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Une femme écrit

Dès 1945, la romancière dénonce le malentendu sur lequel repose le modèle universel. Confondu depuis la nuit des temps avec le masculin, il voue la perspective des femmes au silence et à l’invisibilité. Oser écrire soi-même lorsqu’on est aussi illégitime que Jeanne Bornand – la narratrice ménagère et secrétaire de La Paix des ruches – c’est mettre à nu l’arbitraire sexué de toutes nos façons de voir. « Méfiez-vous donc de la femme qui se tait, » prévient Alice Rivaz, « le jour où elle prendra la parole, le monde en sera changé ! »

Autoportrait peint d'Alice Rivaz avec yeux bleus et chemisier rouge
Autoportrait d’Alice Rivaz, sans date (ALS)
Page de journal avec texte et image portant sur le droit de vote des femmes
Alice Rivaz, « Monsieur, que pensez-vous du vote des femmes ? », Servir, 1er novembre 1945 (BCUL)

Politisée dès son enfance, Alice Rivaz doit attendre l’âge de 70 ans pour devenir citoyenne à part entière dans son pays. En novembre 1945, à l’occasion d’une votation cantonale genevoise sur le droit de vote des femmes, elle livre cet article drôle, mais sans illusion, sur la résistance hypocrite des hommes à la participation politique des femmes.

portrait noir et blanc de Lossier, tenant ses lunettes de la main droite et mordillant la branche de ses lunettes
Portrait de Jean-Georges Lossier (CLSR)
Lettre manuscrite de Jean-Georges Lossier
Lettre de Jean-Georges Lossier, 21 décembre 1947 (ALS) / Jean-Georges Lossier partage la vision féministe d’Alice Rivaz, qui vise à combattre les stéréotypes dressés au quotidien entre les femmes et les hommes « élargissant l’abîme qui sépare nos deux univers ».

Le poète Jean-Georges Lossier (1911-2004) a été un ami fidèle d’Alice Rivaz. Il a contribué activement à la publication de La Paix des ruches et l’a encouragée, durant sa longue traversée du désert de 1947 à 1959, à ne jamais renoncer à l’écriture : « votre vrai travail ».

Lettre tapuscrite de Paul Budry
Lettre de Paul Budry, 2 mars 1948 (ALS)
Lettre manuscrite de Charles-Ferdinand Ramuz
Lettre de C.F. Ramuz, 30 janvier 1946 (ALS)

La réaction de l’écrivain vaudois Paul Budry est représentative d’un sentiment mufle de légitimité masculine, qui a souvent étouffé le débat féministe au XXe siècle. Pas plus que Mermoud, Ramuz n’a compris La Paix des ruches. Mais il admet qu’il n’a jamais réfléchi à la condition féminine tout en découvrant la différence entre « Mann » et « Mensch », que le français rend invisible.

Page du journal suisse Servir avec titre en bleu clair
Alice Rivaz, « Psychologie de l’amour en Suisse », Servir, 15 juillet 1948 (BCUL)

En 1948, le journal Servir s’appuie sur La Paix des ruches pour dresser un état des lieux des rapports homme/femme en Suisse. Les réactions suscitées par le roman révèlent une différence d’interprétation marquée par le sexe : l’empathie exprimée par les lectrices suggère leur désir de voir changer la société, tandis que les lecteurs se contentent de désigner Jeanne comme responsable à titre individuel de son insatisfaction.

La Paix des ruches

La Paix des ruches

En 1947, soit deux ans avant Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, avant les romans féministes de la seconde moitié du XXe siècle, paraissait La Paix des ruches.

Un regard nouveau

Un regard nouveau

La romancière trouve les mots pour dire la vision des femmes et se fait gardienne des voix féminines disparues de l’Histoire.