Auteur·trice
Alice Rivaz
Éditeur
Éditions de l'Aire / Rencontre, Lausanne
Format
13 x 18,5 cm
Nombre de pages
342
Date de parution
1968
L'Alphabet du matin

Une petite fille à l’aube de sa vie, des tensions grandissantes au sein d’une famille. La découverte du monde, de la lecture, de la musique, des autres… Comme l’alphabet compte 26 lettres, le récit comprend 26 chapitres regroupés en quatre parties, qui illustrent l’extension progressive de cette découverte, à la manière des cercles concentriques qui vont s’élargissant lorsque l’on jette une pierre dans l’eau.

Dans la première partie, l’évocation de la mère et du père, puis celle de la maison et du voisinage immédiat prennent une place essentielle. Apparaît, dans la deuxième partie, la petite ville de Clarens, le paysage alentour, le lac et les montagnes toutes proches, puis la famille élargie, notamment la grand-mère et la tante Louise. L’élargissement se poursuit dans la troisième partie où prennent place l’environnement social et politique et des événements locaux, tels que l’évocation, si frappante pour l’enfant, des larmes du père au passage du cortège du 1er mai, et plus tard à l’annonce de l’assassinat de Jaurès. Enfin, la quatrième partie nous fait découvrir un pan de la vie culturelle et intellectuelle du début du XXème siècle, ainsi que des raccourcis saisissants de l’histoire du peuple d’Israël et du peuple suisse. Le monde devient complexe et l’enfant perd sa naïveté originelle…

Mais L’Alphabet du matin est avant tout le récit de l’apprentissage de la lecture, de la découverte de la musique, du début de la vie sociale de l’enfant par le biais de l'école, ainsi que de la confrontation avec ce qu’elle nomme Les-choses-très-tristes-de-la-vie, malheurs qui déclenchent son premier grand désespoir humain. On découvre une enfant d’une sensibilité extrême, d’une perspicacité aiguë, d’une obéissance tout apparente et d’une imagination débordante, qui préfigurent la future romancière.

L’apprentissage de la lecture et la découverte de la musique : révélation d’un bonheur qui ne se démentira jamais, moment où s’écrit le destin de celle qui deviendra plus tard pianiste et écrivaine ! Émerveillement de la petite fille pour qui les notes se transforment en hirondelles posées sur les longs fils télégraphiques de la portée musicale !

Tout comme Comptez vos jours et Jette ton pain, L’Alphabet du matin semble proche de l’autobiographie. Cependant, la romancière n’a pas voulu simplement raconter sa vie dans ce qu’elle a intitulé “récit“ : les trois protagonistes portent des prénoms différents de la réalité. Sa volonté de mettre à distance sa propre histoire tend à donner un sens plus général au récit. On a lu parfois comme un simple roman d’apprentissage, un récit d’une enfance heureuse. Une telle lecture restreindrait la portée du texte. L’Alphabet du matin est aussi le récit de la naissance et de la montée du socialisme, des bouleversements sociaux et politiques qui commencent à secouer le canton de Vaud au début du XXe siècle.